jeudi 13 juin 2013

De l'utilité de voyager léger

"Qui veut voyager loin, ménage sa monture"

Depuis que nous randonnons, nous avons toujours été sensibilisés au poids porté par nos petites épaules. Personnellement, j'ai été à bonne école, lors de mes débuts en alpinisme, avec les nombreux conseils du guide qui m'a fait découvrir la haute montagne. Son principe était simple : avant de partir nous devions tous faire peser notre sac à dos, qui ne devait pas dépasser les 15% de notre poids corporel, tout matériel et ravito compris pour des raids de 5j. Eric, le nom de notre guide, était intraitable là dessus, et était pour son époque un véritable accro du Marcher Ultra Léger. Il avait fabriqué son propre sac à dos (700  gr; si je me souviens bien), et nous prodiguait moultes conseils, comme "quand il pleut, on utilise un parapluie et on marche en slip !". Ou bien, "S'il fait froid, tu mets toutes les couches que tu as emportées, propres ET sales". Hors de question d'emporter un habit chaud, pour le "au cas où il ferait (très) froid" !
Depuis lors, ces (ses) préceptes m'ont toujours accompagné, mais il est vrai, qu'au début des années 90, le matos ultra-léger ne courrait pas les rues, et trouver des tentes à moins de 3 kg était déjà un exploit. 
Nous avons donc traversé les années, les randos, les raids, avec des sacs "légers", mais pas à l'extrême.
Puis est venue notre pratique du trail et cette nouvelle sensation de parcourir la montagne légèrement et rapidement. Fini les sabots de 1 kg (mini !) à chaque pied !  On pouvait enfin enchaîner les cols, les montées, les descentes, sans plus souffrir que lorsque nous en faisions deux fois moins avec notre équipement de base du randonneur ...
Par contre, parcourir la montagne en simple traileur oblige à une logistique bien huilée : fini le portage de tente, les bivouacs au bord du lac à 2700m, on doit relier tel refuge, tel gîte, tel jour car tout est réservé à l'avance ! Pis, pas trop le choix, faut avancer, car rien dans le sac à dos, pour le "cas où". Cette rapidité, cette légèreté s'est au final trouvée en opposition avec notre volonté de liberté dans nos périples.
Alors, quand le projet de traverser les Alpes en suivant la Via Alpina s'est immiscé dans nos esprits, il a fallu faire un choix : voyager en mode trail ou en mode randonneur ? 
Mais pourquoi choisir ? Finalement, ne serait-il pas possible d'allier la légèreté avec la liberté ?
La réponse nous est vite apparue évidente : OUI, on peut voyager loin, longtemps tout en étant léger et libre ! L'avènement du trail a eu ceci de bien, c'est que les équipementiers montagne se sont engouffrés dans la brèche marketing ouverte par ce nouveau sport, et le développement de produits UL n'a cessé d'augmenter depuis quelques années. Et puis la pratique du MUL s'est elle aussi développer en parallèle, portée par des randonneurs qui en avaient marre de se casser le dos avec des charges inhumaines !
Des études scientifiques ont même été menées pour mieux connaître, mieux quantifier, le surcoût énergétique engendré par le portage. 
Personnellement, je ferai référence à un ouvrage, déjà ancien (juin 2005), de Véronique Billat sur l'entrainement en pleine nature. On trouve dans cet ouvrage, qui doit avoir été ré-édité depuis, un chapitre spécifique au portage, où l'on apprend que le portage n'engendre en fait pas de surcoût énergétique du geste (on dépense autant en ne portant rien ou 10kg), mais par contre entraîne une diminution de la vitesse, et donc une augmentation du temps de parcours pour un trajet donné, et par conséquent une consommation énergétique plus importante pour le même trajet.
On y apprend également que cette baisse de régime n'est pas du tout linéaire, et qu'à partir de 15% de charge (15% de votre poids corporel), la courbe devient exponentielle ! Porter 20% de son propre poids en plus engendre une baisse de 35% de votre vitesse. Et 30% vous fait ralentir de 50% ! 
A la lecture de ces chiffres, on comprend mieux la nécessité de se fixer une limite basse et raisonnable pour le poids du sac à dos !
Pour notre projet, nous souhaitions garder (et retrouver) notre liberté de déplacement, s'arrêter quand bon nous semble, dormir en refuge si besoin, si envie, bivouaquer sinon. En étudiant rapidement le parcours et les informations données sur le site de la Via Alpina, il est nous apparu évident que nous pourrions facilement concilier liberté, rapidité, sécurité et légèreté ! Chaque étape décrite débute et finit à un hébergement. Très souvent en cours d'étape, d'autres hébergements sont traversés. Bref, pas de souci de ravitaillement, pas besoin d'une autonomie énorme. Et nous avons donc opté pour le compromis suivant : partir sur une base d'autonomie de 3 jours, dormir en refuge/gîte/campings 2 fois par semaine, histoire de se faire une beauté, recharger les batteries (au sens propre et figuré !). Mais pas de roadbook fixe avec tel jour telle étape de tel refuge à tel autre. Libre à nous d'adapter notre déplacement à la météo, à la forme, au paysage, à la motivation ...
S'en est suivi l'établissement d'une liste de matériel minimum et obligatoire, des recherches sur le web pour voir toutes les nouveautés, prendre différents avis, faire attention de ne pas tomber dans l'ultra à tout prix, et surtout prendre soin de notre porte-monnaie, car l'ultra light a un vrai coût ....

Nous partirons donc avec nos 10 kg sur le dos maximum, soit entre 12 et 15% de charge. Cela devrait nous permettre d'enchaîner nos étapes de 25 km et 1500 m D+ et de boucler notre périple dans le temps envisagé. 

Tout cela, c'est de la théorie bien sur, même si notre longue expérience de rando-traileur nous donne confiance, nous ne serons pas à l'abri de conditions climatiques contraires, d'un bobo enquiquinant, d'une motivation en berne, ... Mais en tout cas, nous espérons tout de même boucler notre périple quoi qu'il en soit, et quoi qu'il arrive !

Départ dans moins d'un mois maintenant !!!

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